Voilà qu'une nouvelle machine intervient, apportant quelque chose de nouveau. Une puissance « solaire », écrivent Deleuze et Guattari. Après les machines désirantes (production de production), la machine paranoïaque (répulsion) et la machine miraculante (attraction), ces deux dernières se réconcilient et forment la machine « célibataire », au bout de laquelle le sujet apparaît petit à petit, tout comme la perception et la pensée. Le schizo plonge alors dans l'hallucination et le délire. Et depuis la nature, il s'enfonce dans la culture; car, la folie du schizo n'est autre que le devenir-sujet...
*
« Comment
a-t-on pu réduire la synthèse conjonctive du "C’était donc ça!",
"C’est donc moi!" à l’éternelle et morne découverte d’Œdipe,
"C’est donc mon père, c’est donc ma mère…" ? »
Gilles
Deleuze, L’Anti-Œdipe, p. 27.
Brève récapitulations avant d’entamer la
troisième partie du premier chapitre de l’Anti-Œdipe :
la production de production engendre la production d’enregistrement; et
celle-ci se rabat sur celle-là. Tel est le processus.
C’est alors que la consommation
survient, prenant le relais par rapport à l’enregistrement sur la surface d’inscription
de celle-ci; car, toute production désirante – même en plein processus – est consommation,
c’est-à-dire volupté et consumation. Les machines désirantes se consument à
travers leurs recoupements, et même dans leurs rapports avec les corps sans
organes (offensifs du point de vue de la machine paranoïaque; réactifs du point
de vue de la machine miraculante). Or, la consommation ne l’est pas pour un
sujet. Du moins, pas encore, le sujet n’ayant pas été repéré sur la surface d’enregistrement.
De la consommation au niveau de la
production désirante découle une réconciliation
entre les machines paranoïaque et miraculante – entre la répulsion et l’attraction;
et de cette réconciliation surgit une nouvelle machine, laquelle fonctionne en
tant que retour du refoulé : la machine
célibataire. Celle-ci résulte autrement dit de l’alliance entre les
machines désirantes (production de production) et le corps sans organes
(production d’enregistrement). En surgit un « organisme glorieux »,
une « humanité nouvelle » – une synthèse
conjonctive de consommation dont la forme est : « C’était donc
ça! » Avec la machine célibataire apparaît une consommation dans l’actuel
sous l’aspect d’un plaisir auto-érotique ou automation, suivant la volupté de
la production désirante. De plus, la machine célibataire est créatrice de quantités intensives.
De telles intensités sont positives. Et vu leur origine, étant issues de la machine
célibataire, il va sans dire qu’elles sont le produit de la répulsion, de l’attraction
et de leur opposition – lutte incessante entre les machines désirantes et le
corps sans organes, le tout inscrit dans les processus productifs. Cette lutte
à la source des intensités pures provoquent des états de nerfs tout aussi
intenses. L’attraction et la répulsion remplissent ainsi le corps sans organes
en fonction d’un cercle d’éternel retour.
De la machine désirante au corps sans organes; du corps sans organes à la
machine désirante… Puis, la machine célibataire comme rejeton des machines
paranoïaque et miraculante… Lutte attractive, lutte répulsive… Opposition et
réconciliation… Que d’intensités en ce lieu où tout est vie. Où tout est vécu. On ne peut parler ici de
représentation. C’est la vie même dans tous ses processus de production. La
consommation d’intensités pures n’a donc rien à voir avec les figures
familiales de la psychanalyse. Le tissu œdipien est étranger au vécu, étant de
l’ordre de la représentation. Et de représentation, il n’y en a pas encore; d’autant
que le sujet commence à peine à être repéré.
De fait, il erre sur le corps sans organes, au
milieu des codes et des inscriptions, tout près des machines désirantes. Le
sujet tel qu'entrevu s’avère étrange, sans identité fixe. Il naît, puis renaît
à mesure que les états s’enfilent le long du processus propre à la machine
célibataire. Le tout s’effectue bien sûr à coups de répulsion et d’attraction.
Deleuze et Guattari évoquent alors Klossowski, qui a bien vu les processus
intensifs sous-jacents au sujet – à savoir la Stimmung en tant qu’émotion
matérielle, constitutive de la pensée-délire et de la
perception-hallucinatoire. Une série d’états intensifs se chevauchent sur le
corps sans organes par la force de l’attraction-essor et de la
répulsion-décadence. Et c’est alors que le schizo s’arrache de son statut d’Homo natura au profit de l’Homo historia.
La donnée hallucinatoire (je vois, j’entends – la perception) et la donnée délirante (je pense – la raison) présupposent un « je sens » plus profond : le sujet. Celui-ci offre aux hallucinations l’objet projeté; et au délire, le contenu intérieur. Bref, de la machine célibataire surgit d’abord l’émotion primaire (la Stimmung, les intensités pures, les devenirs et les passages). Puis, en second viennent le délire et l’hallucination – la pensée et la perception…
La donnée hallucinatoire (je vois, j’entends – la perception) et la donnée délirante (je pense – la raison) présupposent un « je sens » plus profond : le sujet. Celui-ci offre aux hallucinations l’objet projeté; et au délire, le contenu intérieur. Bref, de la machine célibataire surgit d’abord l’émotion primaire (la Stimmung, les intensités pures, les devenirs et les passages). Puis, en second viennent le délire et l’hallucination – la pensée et la perception…
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